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RÉGINA

 

Je veux vous raconter l’histoire d’une petite fille qui, pendant neuf longues années, garda la Parole de Dieu dans son cœur et dans sa mémoire, bien qu’elle fût sans mère pour l’instruire, sans Bible pour y lire.

Elle se nommait Régina ; son père et sa mère étaient nés en Allemagne, mais longtemps avant la naissance de Régina, ils étaient venus s’établir au Canada, dans une des parties les plus solitaires de cette contrée. Bien solitaire, en effet, dut-elle souvent paraître à la pauvre mère, quand elle se trouva au milieu d’étrangers dispersés çà et là à de grandes distances, et parlant une langue différente de la sienne ; mais elle avait dans sa maison un trésor, le Livre divin, et quand son mari était allé à son travail, elle rassemblait souvent autour d’elle ses quatre enfants et leur lisait quelque partie du précieux volume.

Régina apprit ainsi des lèvres de sa mère plusieurs versets de la sainte Parole. Avant d’être assez âgée pour pouvoir lire elle-même, ou pour pouvoir comprendre beaucoup de ce qu’elle entendait, ses oreilles avaient été frappées par un verset d’une hymne que sa mère chantait habituellement, en accomplissant ses devoirs domestiques journaliers. Voici quel en est à peu près le sens :

 

Bien qu’isolé sur cette terre,
Comment me sentir solitaire,
Quand je te sais, mon Sauveur, près de moi ?
Tu réjouis mes tristes heures,
Avec moi, toujours tu demeures ;
Serais-je seul, ô Jésus, avec Toi ?

 

Il ne se passait peut-être pas un jour, dans ces premières années de la vie de la petite fille, sans qu’elle entendît au moins une fois ces paroles sortir de la bouche de sa mère, de sorte que peu à peu elles se gravèrent dans sa mémoire. Elle ne les comprenait peut-être qu’assez vaguement, mais elle savait qu’il y était question du Seigneur Jésus, dont parlait la Bible que lisait sa mère ; elle voyait que ces paroles la consolaient et la soutenaient, et ainsi l’amour de Christ, et le fait qu’il est près de nous, devinrent des réalités pour le cœur de l’enfant.

Quelques années paisibles s’écoulèrent ainsi dans le cercle de famille, et les pauvres émigrants commençaient à s’habituer à leur nouvelle patrie, lorsque éclata une terrible guerre entre les Anglais et les Français qui, les uns et les autres, avaient des possessions dans le Canada. Les Indiens, les Peaux-Rouges, comme on les nomme, prirent parti pour les Français, et comme les parents de Régina étaient établis dans la partie anglaise et considérés comme sujets anglais, les Indiens étaient contre eux. Un jour que la mère était sortie pour quelque occupation, une troupe de Peaux-Rouges arrivèrent, mirent le feu à l’habitation et emmenèrent les enfants.

Je ne puis vous dire ce qu’éprouva ou fit la pauvre mère lorsque, revenant chez elle, elle trouva la maison en flammes et ses enfants disparus. Elle savait bien que les Indiens étaient les auteurs de ce désastre et qu’ils avaient emmené les enfants, mais quelle terrible pensée !

La pauvre Régina fut entraînée au loin avec une foule d’autres enfants aussi malheureux, et elle, avec une autre toute petite fille captive, fut donnée à une vieille femme indienne. Ces deux pauvres enfants menèrent une vie bien misérable parmi les sauvages Indiens ; rarement leur donnait-on quelque nourriture. Les Peaux-Rouges sont de grands et habiles chasseurs, et la vieille femme était habituellement nourrie du produit de leur chasse, mais Régina et sa petite compagne devaient le plus souvent se contenter des fruits qu’elles ramassaient dans les bois. Quand la chasse manquait, ou que les chasseurs négligeaient de pourvoir aux besoins de la vieille femme, les enfants étaient obligées de chercher aussi des fruits pour elle, et elles étaient cruellement battues, si elles ne lui en rapportaient pas autant qu’elle l’avait attendu.

Mais au milieu de ces sombres forêts, de ces sombres ravisseurs, et durant ces sombres jours, un brillant rayon traversait le cœur de la pauvre Régina, c’était le souvenir de ce qu’elle avait entendu à la maison, les récits et les lectures du foyer domestique. Chaque jour, sous les grands arbres de la vaste forêt, les deux enfants se nourrissaient, non pas seulement de baies et de fruits sauvages, mais des versets de l’Écriture que Régina se rappelait, et qu’elle enseignait à sa petite compagne ; chaque jour aussi, souvent et souvent, le verset bien connu était chanté, et quelle profonde signification il avait dans ces temps d’une douleur telle que bien peu d’enfants l’ont connue ; quelle consolation pour ces deux petites abandonnées.

Bien qu’isolé sur cette terre,
Comment me sentir solitaire,
Quand je te sais, mon Sauveur, près de moi ?
Tu réjouis mes tristes heures,
Avec moi, toujours tu demeures ;
Serais-je seul, ô Jésus, avec Toi ?

La mère ne pensait guère, quand, dans sa solitude, ce verset la consolait, dans quelle bien plus profonde solitude, ces simples paroles soutiendraient le cœur de sa propre enfant.

Non seulement les passages de l’Écriture, les hymnes et les enseignements qu’elle donnait à sa petite compagne, étaient une consolation pour Régina, mais elle était ainsi gardée du mal qui l’entourait. Bien qu’elle fût vêtue comme une Indienne, que sa figure fût devenue brune et hâlée comme celle des Peaux-Rouges, bien qu’elle eût appris la langue et pris les habitudes de ceux qui l’entouraient, il y avait toujours un coin lumineux dans son cœur.

Dieu, dans sa miséricorde, n’avait pas oublié ces deux pauvres enfants, ni les autres qui avaient partagé leur sort. Après neuf longues années de guerre, la paix fut rétablie dans ce pays, et les Anglais qui en étaient devenus possesseurs, promirent aux Indiens le pardon pour ce qu’ils avaient fait, sous la condition qu’ils rendraient tous leurs prisonniers, de sorte que d’un lieu et d’un autre, des troupes d’enfants qui avaient été enlevés, sortirent des forêts et des wigwams indiens, pour se rendre à la ville où stationnait le commandant anglais. Puis, des messages furent envoyés dans les diverses parties du Canada pour inviter les parents qui avaient perdu leurs enfants à venir les chercher.

Régina et sa petite amie se trouvaient là. La petite comprenait à peine ce que cela voulait dire, mais Régina ne put retenir des larmes de joie lorsqu’elle revit des hommes blancs, et tout d’un coup, le rayon laissé dans son cœur, brilla d’un éclat plus vif.

— Avez-vous le Livre que Dieu a donné ? telle fut sa première question. On apporta une Bible, et sa joie fut grande lorsqu’elle la vit et reconnut qu’elle pouvait encore lire un des versets qu’elle avait si souvent répétés dans la forêt solitaire.

Bientôt arrivèrent dans la ville des centaines de parents tremblant d’anxiété et d’espérance, car il n’y avait pas moins de quatre cents enfants qui avaient été volés. La mère de Régina était aussi venue ; le père était mort, les frères aussi étaient morts. Comme la pauvre mère affligée soupirait après sa fille ! Allait-elle la retrouver ? Hélas ! après un si long temps, comment reconnaître les siens dans ces pauvres prisonniers à l’air sauvage et misérable, couverts de vêtements indiens en haillons ? La mère de Régina ne voyait personne, dans cette foule étrange, qui lui rappelât la chère petite fille qui tournait autrefois autour d’elle dans leur heureuse demeure. Elle s’en allait en pleurant, lorsqu’un des officiers qui avaient aidé à recouvrer les captifs vint à son secours. La pauvre mère lui dit qu’elle ne pouvait reconnaître sa fille qui avait été prise trop jeune pour pouvoir se souvenir d’elle après tant d’années.

— N’y a-t-il rien dont vous vous souveniez, et qui pourrait aider votre enfant à vous reconnaître ? demanda l’officier.

Oui, il y avait une chose. La mère se rappela tout à coup le petit verset de cantique que si souvent elle avait chanté avec son enfant, et d’une voix tremblante, elle commença la première ligne :

Bien qu’isolé sur cette terre,

Régina l’entendit, les paroles et l’air bien connus frappèrent ses oreilles, puis elle se rappela la voix chérie et, avec un grand cri, s’élançant hors de la foule, elle tomba en pleurant dans les bras de sa mère. Régina était heureuse, elle avait trouvé sa mère. Mais sa petite compagne ? Nulle mère ne venait la réclamer ; elle s’attachait en pleurant à Régina, qui, dans la forêt, avait été sa jeune institutrice et la seule mère dont elle pût se souvenir. Régina et sa mère l’emmenèrent donc avec elles ; il eût été trop triste de la laisser au milieu d’étrangers. Elle n’avait rien pu apprendre à Régina, mais elle ne lui avait pas moins été d’un grand secours, car toute seule, Régina aurait pu n’avoir pas le courage de répéter les versets et les leçons, comme elle le fit en les enseignant à sa petite amie.

Je ne sais rien de plus sur Régina, mes enfants, mais j’espère que de cette histoire vraie vous pouvez tirer, pour vous-mêmes, quelques précieuses leçons. D’abord, les soins merveilleux de Dieu, qui ne cessa d’avoir les yeux sur ces pauvres faibles enfants dans leur misérable condition ; puis, le prix de la Parole qui vint illuminer leur solitude. Ne la négligez pas, mes enfants, cette sainte Parole de Dieu ; gardez-en les précieux enseignements dans votre mémoire et votre cœur, et le jour viendra où de ce trésor vous verrez sortir pour vous, consolation, encouragement et force, au moment opportun