La Bible coupée en deux

La petite maison dans la forêt

Imaginez, peut-être en fermant les yeux, une petite maison isolée, perdue au milieu d'une immense forêt.
Dans la cuisine, Perrine balaie le sol pendant que dehors les oiseaux chantent et qu'un vent léger joue dans les branches des grands arbres.
Tout à coup, Perrine sursaute, interdite: on vient de frapper à la porte d'entrée. Qui donc peut venir jusque-là alors qu'il ne vient jamais personne?
Posant son balai, elle va ouvrir et se trouve face à quelqu’un qu'elle ne connaît pas.

Voudriez-vous en acheter un ?

– Bonjour, Madame! Je vends des Nouveaux Testaments, c'est une partie de la Bible. Ils ne coûtent que dix francs! Ne voudriez-vous pas en acheter un?
L'homme lui tend un petit livre bleu.
Oui, Perrine voudrait bien en acheter un. Elle sent justement dans la poche de son tablier qu'elle chiffonne nerveusement entre ses doigts, une pièce de dix francs.
Alors, comme si elle faisait quelque chose d'interdit, elle glisse la pièce dans la main du vendeur, attrape le petit livre et referme la porte sans même prendre congé de son visiteur.
Quand elle se retrouve seule, Perrine pense avec inquiétude à Georges, son mari:
Que va-t-il dire? Il travaille comme bûcheron dans la forêt et va rentrer tout à l'heure pour le repas de midi.
Perrine craint ses colères, aussi se reproche-t-elle son achat.
Le voilà justement qui arrive!
Georges pose sa hache et sa haute silhouette s'encadre dans la porte.
Perrine sert le repas. Puis, le cœur battant, elle raconte la visite du matin et son nouvel achat.

Deux morceaux

Georges pose sa fourchette. Le voilà qui se met en colère, et quelle colère! Il gesticule et crie:
– Comment peux-tu gaspiller l'argent que je gagne avec tant de peine?
Perrine balbutie que l'argent est aussi à elle...
– Ah ! il est aussi à toi... Eh bien, regarde ce que j'en fais de ce bouquin!
Saisissant d'une main sa hache et de l'autre le Nouveau Testament, il le place ouvert sur le billot qui lui sert à fendre le bois pour l'hiver. D'un seul coup, il partage le livre en deux morceaux.
– Voilà pour toi, dit-il en lançant l'un des deux morceaux en direction de Perrine.
Quant à l'autre, il le fourre dans la poche arrière de son pantalon et, encore très en colère, repart travailler au bois.

Lecture à la cuisine

Perrine, elle, a rangé sa maison, puis tirant de son tablier le livre mutilé, elle a commencé à lire. Elle tombe sur le récit d'un jeune homme qui rentre chez son père qui l'accueille à bras ouverts. Quel dommage qu'elle n'ait pas le début du récit! Qu'avait fait ce jeune homme? Pourquoi est-il parti? Pourquoi rentre-t-il? Autant de questions qui se pressent dans son esprit. Elle brûle de connaître le début du récit. Malheureusement il se trouve dans l'autre moitié du livre, celle que son mari a fourrée dans sa poche. Comment le lui demander sans qu'il se mette de nouveau en colère?
Mais parce que ce récit pénètre dans son cœur, Perrine sent qu'elle n'aura pas de répit tant qu'elle ne connaîtra pas le commencement de cette belle histoire.
Pendant ce temps Georges travaille en forêt. Il transpire en coupant son bois. Mais qu'y a-t-il cet après-midi? Le bois lui paraît si dur et sa hache si lourde! Il s'éponge le front.

Lecture dans la forêt

Pour se reposer un peu, il s'assied sur une souche et sent dans sa poche quelque chose de dur. Il sort alors le morceau du Nouveau Testament. Il fronce les sourcils. Mais comme il n'a rien d'autre à faire, il se met à lire. Il s'agit d'un jeune homme qui, après avoir exigé de son père sa part d'héritage, est parti vivre sa vie dans un pays éloigné. Là, il est tombé dans la plus grande misère. A mesure que Georges avance dans le récit, son intérêt grandit.


"Je me lèverai et j'irai vers mon père..."

Malheureusement le récit s'arrête là. Là où sa hache a coupé le livre en deux. La fin du récit se trouve sur le morceau que, dans sa colère, il a laissé à sa femme. Que faire? Georges veut absolument connaître la fin. Il ne peut tout de même pas demander à Perrine. Il aurait l'air de quoi, après s'être mis tellement en colère?
Ce soir-là, en rentrant au logis, Georges se demande bien comment il pourrait faire pour connaître la fin de l'histoire lue dans la forêt.

Comment faire pour avoir l'autre morceau ?

Et Perrine, en servant la soupe, s'interroge sur le moyen d'avoir le début du récit sans éveiller la colère de son mari.
Mais il y a un Dieu qui travaille dans chacun de leurs cœurs.
Perrine sait qu'elle ne sera plus jamais tranquille tant qu'elle ne connaîtra pas l'ensemble du récit, aussi se risque-t-elle à demander:
– Georges, dans mon livre, il est question d'un jeune homme que son père a accueilli au retour de son voyage, ne pourrais-tu pas...
Georges a sursauté:
– Comment son père l'a-t-il accueilli? demande-t-il tout haletant.
– Mais qu'avait-il fait? lance Perrine.

L'histoire complète

Les questions fusent. Pressés de connaître la partie du récit qui leur manque, ils s'interrogent réciproquement, sans prendre le temps de répondre aux questions de l'autre.
Finalement ils approchent la lampe. Tant pis pour la soupe qui refroidit dans les assiettes!
Rassemblant les deux parties du livre mutilé, l'un près de l'autre, ils lisent la merveilleuse histoire de l'enfant perdu rentrant à la maison.
Georges et Perrine réalisent combien eux aussi se sont éloignés de Dieu. Mais dans la petite maison de la forêt, ils découvrent l'amour de Dieu prêt à accueillir ceux qui reviennent à lui.