Kayarnac, ou : la Parole de Dieu pour les esquimaux

À quoi bon ?

L'ouragan fait rage. Au milieu de ce désert glacé, une petite maison préfabriquée résiste courageusement à la tempête.

Dans cette petite maison d'une seule pièce, John est assis à une table.

Il suce machinalement son crayon et murmure:

– À quoi bon?

Le vent qui hurle dehors domine son découragement.

À quoi bon s'évertuer à apporter l'évangile aux Esquimaux qui vivent dans ces contrées ?

À quoi bon leur parler de l'amour de Jésus ?

À quoi bon traduire, comme il est en train de le faire, l'évangile dans leur langue ? John est songeur et il continue à sucer le bout de son crayon.

Au début, les Esquimaux l'ont écouté, mais leur curiosité s'est vite transformée en haine.

John se rappelle sa dernière visite au village esquimau. Il se souvient comment, face à l'hostilité qu'on lui a montrée, il a dû s'enfuir. Il lui semble entendre encore siffler à ses oreilles le harpon que Kayarnac, le chef,  lui a lancé et qui s'est planté si près de son pied.

Visite inattendue

Mais alors que la tempête fait rage, John perçoit d'autres bruits. On dirait un claquement, puis le jappement d'un chien.

Puis tout à coup, la tempête entre dans la petite pièce en même temps que Kayarnac qui pousse la porte du pied et fait irruption avec six de ses hommes armés jusqu'aux dents.

John sursaute d'abord puis baissant la tête comme absorbé par son travail, il remet silencieusement sa vie entre les mains du Seigneur Jésus, son Sauveur.

Les hommes de Kayarnac ont envahi la petite pièce. Ils fouillent tout, déroulant le sac de couchage de John et renversant ses provisions. La tête baissée sur sa feuille, comme absorbé par sa traduction, John continue à prier son Seigneur. Il sent Kayarnac dans son dos. Il sent son regard sur son papier.

Un papier qui parle

Saisissant rudement la feuille, le chef demande brusquement:

– Qu'est-ce que c'est ?

Tant bien que mal, John essaye d'expliquer que c'est une feuille de papier et que les petits dessins noirs sont des mots qui ensemble veulent dire quelque chose.

Il se rend compte que Kayarnac fait un gros effort pour comprendre. Le papier passe de main en main.

– Alors, déclare le chef, ce papier retient ce qu'on lui dit et peut parler.

John, n'osant tourner la tête, acquiesce.

Fais parler le papier 

Pris d'une inspiration subite, Kayarnac commande:

– Fais parler le papier.

John lit alors la portion de l'évangile qu'il est en train de traduire:

"Et quand ils furent venus au lieu appelé Crâne, ils le crucifièrent là et les deux malfaiteurs, l'un à la droite, l'autre à la gauche. Et Jésus dit: Père, pardonne-leur car ils ne savent ce qu'ils font."

Il s'arrête. Doit-il continuer ? L'ouragan hurle toujours au dehors. Pourtant dans la petite pièce est tombé un silence impressionnant. Les hommes se sont arrêtés de fouiller et se sont rapprochés de la petite table.

– Continue, demande Kayarnac.

"Or il était la sixième heure et il y eut des ténèbres sur tout le pays jusqu'à la neuvième heure; et le soleil fut obscurci..."

Cette fois, John s'arrête. Il n'a pas traduit plus loin. Il se tourne alors vers Kayarnac. Son visage est étrangement sérieux et dans ses yeux, John croit voir briller une larme.

Parole de John ou parole de Dieu

Kayarnac déclare d'une voix rauque:

– Moi aussi je voudrais apprendre à connaître Jésus.

Dehors le vent se déchaîne. Mais qu'importe la tempête ! Kayarnac et ses hommes se sont agenouillés. Ils ont demandé au Seigneur Jésus de devenir leur Sauveur. Et parce que Jésus est venu sur la terre pour sauver ce qui était perdu, il a effacé tous leurs péchés.

John comprend alors son erreur. C'est de la Parole de Dieu que ces hommes avaient besoin. Ce que ses paroles, à lui, n'ont pas réussi à produire dans ces hommes rudes, la Parole de Dieu l'a opéré !