LA MAIN BLESSÉE

Au feu ! au feu !

Au feu! Au feu! C'est la grande maison là-bas qui brûle!
En effet, dans la direction indiquée, la nuit est toute rouge et une épaisse fumée noire monte tristement dans le ciel sombre.
Devant la maison, une foule de curieux s'est amassée. Dans un coin, les pompiers, impuissants, assistent aux ravages de l'incendie. Non, il n'y a plus rien à faire, rien à sauver. De grandes flammes, par moments, s'échappent des fenêtres et lèchent la façade déjà noire.
Tout à l'heure, une ambulance a emporté une vieille dame. Elle vivait là, s'occupant de son petit-fils, Daniel, un garçonnet de quatre ans.
Mais, au fait, où est-il, Daniel?
On a beau appeler l'enfant partout... pas de réponse ! Serait-il resté dans la maison?

Qui est prêt à sauver l'enfant ?

Le capitaine des pompiers se tourne vers ses hommes.
 – Y a-t-il un volontaire pour chercher cet enfant?
L'un après l'autre, les hommes baissent les yeux... Le toit peut s'écrouler d'un instant à l'autre, ce serait de la folie de s'aventurer dans la maison, maintenant.
Mais, là-bas, dans la foule, il s'est fait un mouvement, un homme s'approche de la maison. La lueur des flammes éclaire sa haute taille et ses cheveux blonds en bataille.
Mais c'est le grand Jim!
Il disparaît bientôt dans la maison. Aveuglé par la fumée, tenant son mouchoir devant son nez pour ne pas s'asphyxier, Jim monte l'escalier déjà rongé par le feu.
Au premier étage, il aperçoit une porte entrouverte et là, Daniel dort dans son petit lit. Sans prendre la peine de le réveiller, Jim le saisit dans ses bras.
À ce moment, un craquement sinistre se fait entendre. C'est l'escalier qui vient de s'effondrer.
– Comment descendre maintenant? s'interroge Jim. Il aperçoit alors, le long du mur, une conduite d'eau placée verticalement juste à l'endroit où était l'escalier.
Jim n'hésite pas. Tenant Daniel d'un bras, il saisit le tuyau brûlant de sa main libre et se laisse couler jusqu'au rez-de-chaussée.
Le contact du tuyau lui arrache un cri de douleur. La peau de sa main droite est horriblement brûlée.

L'enfant m'intéresse

Bientôt Jim et Daniel se retrouvent au milieu de la foule. Daniel a été soigné, Jim aussi, mais Jim sait que sa main ne sera plus jamais comme avant.
Quelques jours plus tard, c'est dans une salle de tribunal que nous retrouvons le grand Jim. Le juge pour enfants est bien embarrassé:
– Que faire de cet enfant? Daniel a échappé à l'incendie, mais sa grand-mère n'est plus là pour s'occuper de lui. N'y aurait-il pas dans la contrée une famille sérieuse qui pourrait accueillir cet enfant?
Dans la salle, un homme s'est levé. De ses cheveux blonds il domine l'assistance, c'est Jim.
– Monsieur le juge, l'enfant m'intéresse.
Le magistrat fronce les sourcils. Jim n'est pas précisément le type de personne qu'il souhaitait pour s'occuper de Daniel.
– Et qu'avez-vous à alléguer pour que nous vous confiions l'enfant ?
– Monsieur le juge, je n'ai qu'un argument, le voici: et devant l'assistance silencieuse, Jim montre sa main blessée.

Jim et Daniel

Dans le tribunal, tout le monde se tait. Le juge, visiblement touché par un tel argument, cède et décide de confier l'enfant à Jim. Et c'est ainsi que les jours suivants, on a pu voir dans les rues, une grande silhouette tenant par la main un petit garçon.
– Alors, Jim, lui crie-t-on de temps en temps, tu as changé de métier ? Voilà que tu t'occupes d'enfants ! Mais il ne s'agit pas de plaisanter trop sur son dos, car on sait qu'il a les poings durs et qu'il n'est pas toujours de bonne humeur, surtout quand il sort du café.
Le temps a passé, Daniel a grandi. Jim n'a pas cessé de l'entourer de ses soins. Sa vie, c'est cet enfant.

L'exposition de tableaux

Un jour, ils vont tous deux visiter une exposition de peinture. Jim, tenant la petite main de son fils adoptif, passe devant toutes sortes de tableaux. Tout à coup Daniel s'arrête:
– Dis, papa, c'est qui le monsieur sur le tableau?
– Eh bien, c'est Jésus...
– Dis, papa, pourquoi il a des trous dans les mains?
– Ben... parce qu'on l'a cloué sur une croix.
– Mais... pourquoi on l'a cloué sur une croix?
– Parce qu'on ne l'aimait pas et qu'on voulait le tuer.
– Mais pourquoi on ne l'aimait pas?
Jim se sent mal à l'aise... Pourquoi on ne l'aimait pas? Il ne s'est jamais posé la question. Il essaye de tirer son jeune compagnon par la main, vers les autres tableaux... Peine perdue, Daniel reste fasciné par celui qui représente Jésus.
– Dis papa, pourquoi on ne l'aimait pas?
Jim se gratte la tête, puis rassemblant tout ce qu'il connaît sur la question, il déclare:
– Jésus a été cloué sur une croix pour sauver les hommes... Mais viens, allons voir les autres tableaux !
Daniel, à contre-cœur, se laisse entraîner. Il reste silencieux un moment puis... Jim tressaille en entendant Daniel déclarer:
– Alors, papa, Jésus, c'est comme toi. Jésus, on lui a cloué les mains, et toi, tu as eu la main brûlée pour me sauver de l'incendie.

Jésus, c'est comme toi, papa ! 

Jim ne sait pas pourquoi, mais la remarque de Daniel le met mal à l'aise. Et ce soir-là, quand Daniel se couche, Jim reste à côté de lui, assis sur une chaise. Bientôt dans la petite chambre on n'entend plus rien, si ce n'est la respiration régulière de l'enfant qui dort.
Plongé dans ses réflexions, Jim songe à ce que Daniel a dit tout à l'heure: Jésus, c'est comme toi!
Non, Jésus, ce n'est pas comme lui; il le sait très bien. Sa vie repasse devant lui: ce sont les soirs où, titubant, il rentrait du bar. Et puis ce sont les méchancetés qui lui ont créé tellement d'ennemis. Que de mal, que de péchés il a accumulés ! Non, Jésus, ce n'est pas comme lui. Et pourtant, jamais auparavant, il n'avait vraiment compris pourquoi Jésus avait été cloué sur une croix. Serait-ce aussi pour lui, Jim, que Jésus est mort?
Alors, dans cette chambre où dort son petit protégé, pour la première fois de sa vie, Jim s'est mis à genoux, il a demandé au Seigneur Jésus de le sauver.
Et parce que Jésus a dit dans sa Parole: «Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi», ce soir-là, Jim est devenu, lui aussi, un racheté du Seigneur. Ensuite il a regardé le petit lit dans lequel Daniel repose paisiblement. Oui, il a été, lui, Jim, le moyen de sauver cet enfant des flammes de l'incendie. Mais la remarque de Daniel n'a-t-elle pas été le moyen que Dieu a employé pour le sauver, lui, du jugement ?
Jésus a été blessé, il est mort sur la croix, est-ce aussi pour toi ?